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    Quelle merveilleuse sensation que de sentir la pesanteur de son corps!

    Délesté de mon envahissante combinaison de survie, refuge hors duquel pourtant le vide m’aurait broyé, je vais à mon gré au milieu de ces cratères.

     

    Ici, je ne suis plus un pantin aux mensurations disgracieuses, et qui rebondit de pas en pas, jouet d’une atmosphère fantôme.

     

    Au lieu d’un plâtre grisâtre et collant, mes semelles s’acoquinent avec une terre vivante,qu’une giboulée de printemps a rendu odorante.

     

    Je m’avance sur le promontoire aménagé au delà de cette première balafre de cratères.

     

    Des sons me parviennent, mêlant la peur et l’exaltation, le fracas et le silence définitif.

     

    Un Vulcain invisible martèle le sol, tandis que des nuées de créatures s’entrechoquent.

     

    Certaines ne sauront jamais qu’en leur nom, j’ai franchi aussi une autre frontière.

     

    La vie a recouvré ses droits sur ces cratères, tandis que là d’où je viens, une tranquillité stérile a fait vœu d’éternité.

     

    Quelle merveilleuse ivresse que l’anonymat d’une empreinte sur ce sol étranger, et que je peux partager avec des inconnus venus de tous les horizons.

     

    L’astre qui vient de se lever dans sa splendeur trompeuse, tente de ma rappeler un serment de fidélité imaginaire aux cratères d’en haut.

     

    Tout au plus a-t-il réussi à congédier momentanément le feu et le sang , pierres de la Genèse des cicatrices de ce lieu.

     

    J’ai pu de même esquiver le protocole en quittant le sanctuaire, m’échappant sur une musique mélancolique qui dit, heure par heure, la nostalgie et l’amour du pays aux pauvres types dont les bras en croix de marbre blanc, sont désespérément glacés.

     

    Quelle évidente révélation enfin que de comprendre que la métamorphose des cendres en lune flamboyante , cycle régulier et immuable , met en pleine lumière cette chimère unique qu’est notre terre patrie.

     

     

    Et dans les regards que je croise, celui d’une enfant et de ses parents, je ne lis qu’un peu d’humanité, pas d’admiration.

     

    Que l’on me considère comme le vieil homme que je suis devenu, chaque pas accompli en direction de l’autre, c’est ça le bond de géant !

     

     

     

     

     

    (Souvenir d’une rencontre imaginaire avec Neil Armstrong, cimetière américain de Colleville-sur-mer, printemps 2008)

     

     

     

     

     


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  • Un « Big-Bang » silencieux vient de se produire.

    Seule une étoile plus impétueuse que les autres, marque- l’espace temps de ce phénomène irréversible.

     

    A partir de cette nuit, une énergie sans limite et dont la matière primordiale tient dans un berceau de fortune, va se répandre dans l’univers des hommes.

     

    Elle échappe désespérément aux regards, elle est réfractaire aux mesures mais elle se mesure uniquement dans le regard porté sur l’autre.

     

    Ce « Big-Bang « est créateur, perturbateur, révélateur, il bouscule à jamais l’ordre établi.

    L’ignorance des docteurs va devenir assourdissante, l’incommensurable savoir des

    Plus simples, se révéler dans un rayonnement qui ne va plus cesser son expansion.

     

    Il y’a des galaxies, des nébuleuses, des amas d’étoiles, des systèmes solaires, des planètes au plus haut des cieux. Ce bel ordonnancement chaotique, ces forces prodigieuses, méritaient bien une alliance avec la plus subtile des créations du « Big-Bang » primordial.

    Cette création méritait bien qu’on lui signifie un jour son terrible fardeau, ainsi qu’à toute matière dans le cosmos : sa liberté.

     

    Qui sait, si sous nos oripeaux de contemplateurs éblouis de ce ciel qui nous unit, de dégustateur de foie gras, qui sait si en cette nuit de Noël, nous n’aurons pas l’âme et le regard d’un berger ?

     

     


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  • "Presque déshumanisé, ainsi engoncé dans ma combinaison aux multiples épaisseurs, je représente pourtant en cet instant une part de ma Terre natale.
    Le comité d’accueil se résume à cette nuit étrangère qu’aucun frémissement n’ose troubler.
    Des monts aux pentes douces s’offrent à mon regard, tel un décor de théâtre. Et l’astre qui affleure à l’horizon, diffuse sur la scène une lumière rassurante.
    Je me redresse davantage, comme si les ombres me passaient en revue .Un intense plaisir délivre sa horde de frissons dans ma chair, là où même le vide échoue et ne peut m’atteindre.
    Et je souris aussi. Personne pour capter ou disséquer mes réactions physiologiques, me rappeler les cas échéant à l’ordre de ma mission .J’en profite pleinement.

    Dieu sait où se trouve le module lunaire ,sans doute posé aux abords d’une mer figée et d’un cratère non répertorié. Je suis en perdition, plus qu’en expédition. Enivrante perdition !
    A la face de ce monde inconnu, j’existe comme jamais un songe n’a existé. Je prends corps, je fais corps avec mon nouvel environnement. Le mont Hadley, l’océan des tempêtes ,et Copernic, et Surveyor, cent noms, cent lieux se révèlent à mon regard panoramique .A des centaines de ces milliers de lieues qui justifiaient théoriquement ma présence.

    J’accomplis alors ce geste que je crois partagé par l’univers, si l’univers accueille dans ses spirales infinies et ses enchevêtrements complexes le vivant, le bienveillant. Instinctivement j’adresse à la Terre un salut que personne ne verra. Et je souris encore.

    Je sais qu’on se revoit bientôt…

    J’étais très en avance ce soir et mon esprit vagabondait.
    Un à un, mes condisciples débarquent, avec force lumière et bruits de moteurs. Les décors du sanctuaire sont alors escamotés. La campagne bourguignonne reprend ses droits ancestraux et mon costume change instantanément.

    A la manœuvre avec les autres pour l’ouverture du toit de l’observatoire. Et ça grince durement aux oreilles et ça rigole dans le vaisseau ouvert aux navigateurs de plein ciel.
    J’adresse à la Lune un regard un peu coupable. J’avais la tête ailleurs et je t’ai prise pour la Terre. Obscur astronome qui n’est qu’un hôte de tes surfaces, et qui n’a droit qu’aux effleurements de tes secrets."


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  • Songe d'une nuit d'été

    Songe d'une nuit d'été



    Le ciel se donne parfois des airs de Création.

    Il suffit parfois que se répandent des flots de nuages submergeant les plus fiers des étoiles-phares de nos constellations, que la lune s’enlise inexorablement dans ces marécages cotonneux, pour que se joue dans un ciel d’été des scènes de Genèse.

    C’est ici une semblance de nébuleuse, matière supposée de tous les soleils et planètes qui s’arrache de la côte d’une simple mais interminable nuée. 

    Là, notre reine éblouissante, momentanément déchue, se découpe dans une forêt primaire comme observée par quelque hominidé s’interrogeant sur les intentions de cette souveraine des cieux.


    Tout s’écoule dans un perpétuel mouvement, une tourmente silencieuse.

     

    Un sillon découvrant des étoiles rappelle que depuis l’origine, la matière s’est organisée pour germer du milieu le plus sombre, du désordre le plus apparent. 

    Mon regard étonné se perd dans ce théâtre cosmique et dans lequel tout se mesure en abîme de temps et d’espace.

    Seule l’insistance des grillons, le ballet gracieux de chauves souris moissonnant un lampadaire qui grouille d’une vie virevoltante, me disent qu’à toutes les échelles, l’origine de ces splendeurs reste un fantastique mystère.

    Et je remercie encore les sages docteurs en mécanique céleste de m’enchanter, car Ils m’invitent à observer la lune au-delà de leur doigt pointé toujours plus haut, vers les délices du savoir.

    Et j’interroge aussi ce souffle intérieur qui est une part de mon être, car il me rappelle que toute face cachée reste une autre dimension des choses, à jamais invisible mais bien présente au monde.

    Je me sens figure de proue d’un vaisseau-humanité qui embrasse l’univers, autant que je me confonds avec lui, partie infime et négligeable de son immensité.

    Le ciel se donne parfois des airs de Création.

    Certaines nuits d’été, il suffit pour le découvrir,de lever les yeux, d’écouter les étoiles et de contempler les mystères dont le cœur est déjà en nous.

     









     




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  • Une nuée de cristaux glace le corps des belles d’Aranjuez.

    Je les prendrai bientôt une à une, et la neige éphémère se posera d’abord sur mes lèvres.

    Sans autre gémissement que la volupté du gourmand, elles feront offrande sur ma langue de leur plus précieux nectar.

    Les belles d’Aranjuez sont ainsi.

    Elles adorent les derniers instants.

    Qu’elles croisent d’ailleurs un regard polisson, et c’est comme un mamelon sucré dressé par l’émoi, que l’on croque en fermant les yeux.

    D'une morsure amoureuse dans leur chair abandonnée, elles font de vous le complice du saladier aux fleurs-vitraux, qui fait « arc-en- ciel » au soleil de midi.

    Les belles d’Aranjuez sont ainsi.

    Elles rêvent de finir en beauté dans la pleine lumière, fières et rouges sang, castillanes de cœur à jamais…

     



     




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