• La faucheuse et l'Enfant

    Elle chevauchait maintenant sans vergogne les ailes d'un ange.

    La grande faucheuse avait pénétré plus avant dans cette vie sacrée mise en scène avec amour.S'il avait été en mon pouvoir de mettre fin à son périple sacrilège, je l'aurais sans hésiter écrasée d'un coup, d'un seul! Mais je craignais trop de briser anges, rois, bergers,agneaux et autres nobles vaisseaux du désert. 

    Son stupide et aveugle dessein avait conduit la grande faucheuse encore plus près de l'enfant. Au passage, telle une ombre, elle effleura la mère et parut même toiser le père, marquant un arrêt incompréhensible dans sa progression fatale. Le nouveau né livré sans défense au monde barbare lui offrait maintenant son visage innocent. La grande faucheuse caressa sans raison par trois fois ce divin tout fragile, et continua son oeuvre étrange, se glissant sur le sol à mes pieds.

    J'étais donc le prochain!

    Cependant pas d'impunité avec moi grande faucheuse.Une revue repliée comme une massue allait accomplir la sentence mais il me vint une illumination en contemplant d'un regard furtif ma crèche apaisée. La grande faucheuse n'a d'autre volonté que d'accomplir l'ordre des choses. Elle est née rampante, elle tisse une toile à la géométrie parfaite et ce jour, elle ne sait pas qu'elle a gambadé sur le minois de Jésus! "Laisse-la donc accomplir son oeuvre qui échappe à ton entendement", me dit une voix intérieure.

    D'ailleurs, le bébé-roi, un peu figé dans sa joie éternelle, "ne te souffle-t-il pas que la grande faucheuse, il en fera son affaire....plus tard". Perdu dans cette pensée, je vis sans réagir l'araignée se glisser sous le buffet tout bardé de guirlandes, lumières, personnages profanes et joufflus. C'est aussi ça l'esprit de Noël,aussi simple que d'épargner cette grande faucheuse, ou de l'envisager d'un autre oeil.

    Du coup, j'ai mis de la lumière sur ma crèche et ça s'est mis à clignoter avec allégresse.

     

     

    La faucheuse et l'Enfant


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  • D’un œil malicieux tu accroches l’objectif de l’appareil photo.

    Au terme d’une cérémonie improvisée, Kelly notre guide, va déposer sur ta chevelure légèrement dorée une couronne faite de rameaux cueillis ce jour sur le site archéologique de Delphes.

    Ton petit minois d’ « éphèbe », tel que le qualifie notre élégante, cultivée et raffinée athénienne, semble déjà prendre congé de l’adolescence.

    Je pressentais d’ailleurs que le temps du « tant » partagé avait vécu.

    Mon regard se fige sur la photo piège et laisse agir son charme.

    Tes yeux, ton sourire faussement innocent, me disent chacun à leur tour que l’enfant, c’est finalement un peu moi.

    Pris au piège d’un trop d’amour, adorateur d’une douce illusion qui prétend que certains instants n’ont pas le droit de finir, mon masque tragique d’adulte tombe devant l’évidence.

    D’un « clic » je rejoins la photo suivante, un nouvel instant unique de nostalgie.

    Tu t’es détourné de l’objectif et mains dans le dos, le plus sérieusement du monde, tu t’inclines afin que Kelly puisse te ceindre de la couronne du vainqueur.

    Un autre « présent » disparu depuis quelques jours à Olympie, ta victoire de jeune touriste sur la piste mythique est célébrée ce jour en ce simulacre de cérémonie antique, mise en scène improvisée dans la bonne humeur.

    L’image qui me fascine encore, revendique sa place dans le « ci-gît » de ces moments uniques, des souvenirs que mes grands prêtres de l’illusion, servent au nom de ce qui existe à jamais, pour peu que je continue à les convoquer, les invoquer !

    Je suis parfois un adorateur des effluves du passé, provoquant cette sorte de transe qui estompe les frontières de l’espace et du temps.



    Il t’arrive pourtant maintenant de me toiser, de pâlir rageusement jusqu’à plonger dans mon cœur la lame d’un regard féroce, stupidement, injustement accusateur.

    Ton caractère se forge aussi au prix de nos confrontations, je le sais.

    Ma parole reste maladroite quand je veux t’épargner l’expérience douloureuse d’une impasse, et que mes mots pour le dire restent trop sentencieux ou portés sans contrôle par la colère.

    J’ai parfaitement tort donc de ne pas t’inviter assez souvent à explorer toi-même certains labyrinthes et à dérouler le fil de ces « embrouilles » qui se délectent à entraver les marches les plus triomphales !

    Un amour trop complaisant et sans limite te rendrait incompréhensibles les épreuves qui t’attendent dans la vraie vie du dehors.

    Je l’ai appris aussi.

    En ce début de soirée, tu rejoins, après une de tes nouvelles activités qui mêlent études, copains et des enjeux qui nous restent parfois obscurs, ton refuge de plus en plus provisoire, notre maison.

    Du coin de l’œil j’accroche ton nouveau visage, tend l’oreille vers cette voix plus grave et tente d’un propos anodin de détourner ton attention de l’écran sur lequel ta photo semble désespérément se répandre à l’infini, au risque de déborder du cadre...

    Ton regard dénonce mon stratagème grossier.

    Mais d’un « clic »j’ouvre la trappe qui assure une diversion instantanée, la page d’accueil de mes courriels, escamotage que j’accompagne d’une autre banalité d’usage.

    Dossier classé.

    Comment faire comprendre à un enfant que la liberté tant espérée et qu’il nous octroie aujourd’hui peut être aussi étrangement, une douleur ?

    Que la flèche que lui a décochée récemment Cupidon, a aussi éraflé notre complicité d'antan au nom de l’ordre des choses.

    La couronne amoureusement tressée par notre guide de feu Notre printemps grec encercle encore une des appliques de ta chambre.

    Si tu pouvais l’oublier en larguant un jour les amarres, ne pas t’encombrer de ce souvenir…

    Nous te la mettrons de côté, tu sauras où la trouver, chez nous.



     




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  • Hommage d’un roi

    Arche trahie par le sang

    Lumineuse foi



    L’homme est une ombre

    Effacées des mémoires

    Les larmes chantées



    Un jour de pardon

    Jouir aux sources de la vie

    Aimer librement



    Hommage d’un roi















     



     




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  • Comme ça doit faire un bien fou de n’être plus rien !

    Plus rien de vanité, de mensonges, de mise en demeure, de ce qui rend indispensable.

    Rien de douleurs, de moulins géants inaccessibles, d’échecs.

    Que de la gratuité, de la légèreté, de l’éternité !

    Ca n’est pas rien d’y croire.

    C’est même un peu fou !

    Mais ça fait du bien.

     




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  • Un souffle impatient pénètre la moiteur de tes lèvres interdites, portes de la Cité des voluptés.

    Au delà de ce seuil et après chaque mort, c'est le ciel qui triomphe !

    La douleur espérée de l'ultime étreinte qu'une mélodie de soupirs implore, s'offre comme le trésor du temple de l'alliance.

    C'est là tout le prodige d'un unique commandement qui congédie la raison, pour les faveurs d'une éternité fulgurante.

    Et le tourment prend fin par la magie bienfaitrice d'une sève, baume de toute genèse qui apaise les brûlures partagées.

     

    L'Impératrice initiée peut alors étancher sa soif à la source de ce nectar délicieux de damnation.


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