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La Reconquista
Un fossé profond et sombre, qui de jour en jour ne cesse de se creuser, c'est ce que nous partageons désormais.
Des remparts dressés toujours plus haut, ce que nous construisons frénétiquement, à en écorcher les nuages aux portes du ciel.
Quant aux oubliettes à rancoeur, nous les ouvrons bien trop souvent les lendemains du dernier mot de trop.
Les fenêtres meurtrières de notre chambre s'ouvrent à présent sur une bise glacée.
Elle pique les yeux à les faire s'embuer.
Et du fond du jardin flétri par l'hiver, la cohorte d'illusions donne un assaut silencieux aux rêves ultimes de châteaux en Espagne.
Quelle flèche assassine finira-t-elle par achever le triste ouvrage ?
Au lieu de t'offrir ma fin glorieuse qui défierait la mort elle-même, je ne suis que le triste Cid désarçonné d'une reconquête perdue.
Chimène inconsolable , au héros redevenu mortel d'ennui, tu crois le pardon impossible.
Mais nous l'avons pourtant bâtie, cette fière citadelle qui clame la lumière éblouissante du soleil de Burgos !
Ne raconte-t-elle pas la geste de fougueux amants ?
Nous les avons de bonne foi élevés vers des hauteurs sans limite, ces châteaux en Espagne!
De tout notre cœur, édifiés à mains perdues, bâtisseurs au corps meurtris et nus, frissonnant sur une pierre de gisant.
Beaux mais sans âme, ces forteresses font de nous des seigneurs solitaires, dans un royaume d'ombres et de regrets
Chacun de notre côté, hélas.
Un foulard flamboyant noué autour du cou, c'est le parfum de ta peau que je veux retrouver pour être encore ton champion!
Au pied du donjon, j'attends que d'un sourire complice, tu jettes au vent l'étoffe de soie.
Etendard de notre espoir retrouvé, elle flottera au delà des remparts, du fossé, se laissant caresser puis étreindre comme au temps de l'amour impatient.
Notre dernier mot ne sera pas un mot d'adieu.
Le pont-levis s'abaissera à mon retour pour se refermer sur notre éternité à nouveau conquise.
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