-
La rose au miroir
Cette rose-là, cueillie au vol dans le port de Honfleur, m'inspirait depuis longtemps des envies d'écriture aux accents sudistes.
Il me brûlait de les incarner en des évocations moites, incandescentes et passionnées, tout autant emporté par le vent de la poésie que par le souvenir de légendes saupoudrées sur un boulevard d'étoiles.
Mais au lieu d'une envolée de feu, de sang, de sourires séducteurs, de regards embrasés au milieu du tumulte, cette rebelle-là me refusa l'ivresse d'une ode à l'étreinte proscrite.
Quand j'ouvris à nouveau les yeux, décidé pourtant à lever l'ancre au gré de quelques lignes d'écriture dédiées à ma prochaine odyssée , je restai à quai comme un marin débarqué de son clipper.
Le parfum entêtant du lys se dissipa dans les derniers accords mélancoliques d'un bal crépusculaire aux quadrilles surannés...
« Un désir fugitif est-il un désir vain ? »
Parfois, il y a des mots venus de nulle part, mots d’humeur ou mots d’humour qui, sans être bleus, s’imposent comme une évidence.
J’ai tout de suite envie de les triturer, les presser afin d’en extraire je ne sais quelle essence ou révélation.
Telle une huile sacrée dont on peut oindre son âme et son front.
Marqué d’un signe venu des tréfonds baptismaux de mon être, plongé dans ces eaux qui troublent mes certitudes, je m'interroge.
« Le fugitif est-il vain de son désir ? »
« Le désir, en vain, désire-t-il le fugitif ? »
Heureusement, je n'obtiens en guise de réponse que la bénédiction des questionnements à venir.
Et puis de nouveau un murmure, un nouveau murmure.
« Il n’y a que l’hymne au présent qui vaille »
Allez savoir pourquoi, je sens que cet hymne-là va me faire chanter si je ne lui donne pas un avenir.
Des verbes et du temps qui écrivent une autre page de mon histoire, Pythie de mes fêlures secrètes.
Au cap ultime du voyage , j'espère encore entendre cette voix inspiratrice de tous mes mots, ma compagne de toujours.
Notre secret hyménée résiste à toutes les tempêtes.
Dans le théâtre d’ombres à jamais, ou en pleine lumière, j'aurai été ma vie durant un simple saltimbanque sur scène, émerveillé par la saveur amère ou sucrée des chants de l'amour et du hasard.
Un éternel fugitif au fond, le vagabond aux mots errants qui ne les trouvent pas ce jour, même pour une rebelle mélancolique, pâle et hautaine.
Une rose de Savannah...
-
Commentaires