• Râshomon

     Magnifique  trahison.

    Le corps n’est plus ici qu’un paravent.

    Alors que le regard semble perdu, la main ancrée sur l’épaule prend possession de l’objet, corps et âme.

    La perte de l’homme asservi est inévitable.

    Consumé  par le désir avec ses traits au masque de haine, il se fera assassin pour lui plaire.

    Mais la femme apeurée consomme en fait l’avenir du complice, son jouet, avec un féroce appétit.

    Le démon réveillé par une simple rencontre, les conduit pourtant tous deux sous le regard glacé des juges qui convoquent la mort.

    En enfer, les amants condamnés rejoignent l’époux sacrifié.

    Il partagera avec eux et pour l’éternité, l’aigreur d’un trépas violent.

    Adolescent, j’ai moi aussi succombé à l’envoûtement, au charme de ce visage porcelaine, fardé pour paraître toujours étonné.

    Tellement lointain, tellement proche.

    Une fulgurante émotion, la magie incarnée, échappée du défilé enivrant de 25 images par seconde.

    Et le son strident d’une flûte, dont la mélodie inconnue dialogue avec de sèches percussions, s’unie  harmonieusement au langage étranger de la séductrice, achevant d'installer l'envoûtement.

    La mélodie se fait aussi musique  d’un théâtre et d’un drame, musique dont les codes m’échappent et me fascinent à jamais, comme cette femme à l’attirante pâleur.      

    Promesse de candeur et d’ardeurs encore retenues.

    J’ai imaginé si souvent effleurer la peau de cette épouse rebelle!

    J’ai osé même un baiser ardent sur des lèvres qui dessinent une feinte expression de surprise

    Cru même qu’elle pouvait  se perdre, s’abandonner, jusqu’à boire la vigueur de ma vie encore à son printemps.

    Je m’approche, mais des doigts se crispent soudain sur mon épaule, tandis que  sur le dos, deux pointes électrisent mon épiderme.

    Après le sursaut du réveil en ce jour naissant,  le revers de ma main, va et vient sur le satin d’une pente douce qui frémit.

    Un matin propice à toutes les tendres damnations pour  nos corps dénudés et qui frissonnent d'une fraîcheur caressante.

    Les fantômes se dissolvent enfin dans les premiers rayons de l’aube, et illuminent, tel un écran de cinéma, les rideaux aux motifs exotiques de notre chambre.

     

     

    Oserais-je alors te dire que j’ai fait ce rêve étrange…et pénétrant ?

    Et toi, quelles autres ombres réveilles-tu la nuit, au gré de tes songes à mes côtés ?

    Innocente trahison.

     

     

    Râshomon


  • Commentaires

    1
    Vendredi 10 Juillet 2015 à 23:31

    Comme je te l'ai déjà dit, tu as un talent spécial pour écrire des poèmes en prose.

    Je n'ai pas vu ce film. Mais j'avoue que ton poème est écrit si habilement que c'est comme si j'étais allée voir cette "Magnifique  trahison".

    Merci !
    Henora


     

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