• - Commandant Freeman, branchez la  Visio, c'est un ordre!....Je répète, branchez immédiatement la Visio!
     

    Depuis la découverte des "Périphériques de lumière" qui généraient des liaisons quasi instantanées, Freeman ne pouvait se retrancher derrière un prétendu délai pour différer sa réponse.
     

    Il devait s'exécuter dans la milliseconde.
     

    Une marée de nervosité gagnait le centre de contrôle à la vitesse d'un appaloosa au galop, et semblait submerger la "BAIE-I", port d'attache du vaisseau d'exploration "Michel-Ange".
    Le mot "contact" avait résonné dans le crâne des opérateurs et s'était répandu dans la base "ECHAPPE-L", base miroir de la "BAIE-I" dédiée à la sécurité des missions.
    "Contact" signifiait que l'équipage se trouvait en présence d'une "UBU" (Unité Biologique Unique") et devait engager une "COUCOU"(Communication Objective Urgente Complète et Utile).
     

    Depuis le développement des vols dans les ramures de l'univers, aucun cosmonaute n'avait débusqué la moindre "UBU"
    C'était à se demander si ces hommes de l'espace, lieu des rêves nomades, ne sombraient dans un véritable déni de "COUCOU" à l'heure fatidique!
     

    Dans "l'ESSAIM", siège bourdonnant d'activités des "Gouvernements unis pour la mutualisation des technologies innovantes pour une expansion universelle", le président Eddikhën ne devait pas tarder à arbitrer le conflit.
    Le commandant persistait dans son refus d'obéir aux injonctions réitérées pourtant avec fermeté, par le directeur du centre de contrôle de "LA BAIE-I".
     

    - Visio exigée, priorité absolue, veuillez exécuter l'ordre de transmission en protocole d'urgence...
    - Je souhaite m'entretenir avec le président Eddikhën !
    Von Leppzine, le directeur bafoué par ce refus d'obtempérer, supportait avec une rage à peine contenue la cécité imposée, et gardait un calme de façade.
    Mais il aurait volontiers frappé l'écran noir à coups de canne!
    Il reprit l'initiative d'une négociation toute de diplomatie:
    -  Commandant Freeman, nous comprenons..."
    Il fut sèchement interrompu.
    - Rien, vous ne comprenez rien à rien!
    Le discret clignement des paupières de Von Leppzine à chaque "rien" asséné par le cosmonaute rebelle, marquait sa quasi-soumission.
    - Je suis le commandant de cette mission et mon devoir impose qu'une décision au plus haut niveau soit prise rapidement"
    - Pas de problème Freeman, le président Edikken sera informé sans délai ...
    - Immédiatement, ou vous porterez l'entière responsabilité de la perte du contact!

     

    Alors qu'il s'extrayait à regret de la colonne vaporeuse jaillie de la "machine à rêves rajeunissants" où il flottait jusqu'à peu en souriant aux anges , le président abandonnait un océan de naïades, pour un torrent d'emmerdements.
    Appelons un chat un chat: cette "UBU" était en passe de devenir la reine des emmerdements!
     

     

    - Faute de vous voir, je vous écoute commandant Freeman
    Sanctuaire à la mesure de ses fonctions universelles, le bureau carré du président garantissait le secret absolu.
     - Voyez plutôt monsieur le président" lâcha le commandant.
     

    Une révélation qui paraissait osciller entre fatalisme et agacement, sentiments en faveur desquels ce vieux loup des mers interstellaires ne hissait quasiment jamais la bannière sur les navires dont il tenait le gouvernail.
    A la découverte du visio, Eddiken renonça définitivement à entrer dans l'histoire d'un inattendu:
    - Qu'est-ce qu'elle fout là!"  qui corroborait néanmoins la décision de Freeman de ne pas livrer immédiatement les contours de l' "UBU".
    -  C'est toute la question monsieur le président!"  dégaina un peu sèchement le cosmonaute.
    - J'en parle à mon conseil, maintenez la confidentialité absolue, je confirme un protocole de confinement à la "BAIE-I" 
    - Avec tout le respect que je vous dois Monsieur le Président, faites-vite, le navigateur Ramirez est déjà à genoux et il ne répond plus à mes ordres! ", ajouta sans autre formule de déférence un Freeman pressé par l'enchaînement fatal des événements.
    - Ramenez au moins ce Gonzalez à la raison commandant, je traite l'urgence...
    - Ramirez, monsieur le président, Ramirez" ...La fatalité marquait des points.
    - Hein? Quoi commandant ? 
    - Rien, monsieur le président, à vos ordres.
     

    Un salut militaire mécanique devait probablement accompagner cet ultime échange. 
     
    Premier "spin doctor" d' Eddiken, conseillère de l'ombre et de leurs pénombres inavouables, la propre femme du Président pouvait très bien constituer le pallier unique de la prétendue consultation du conseil éclairé.
    Consulter pour avoir la paix n'est de toute façon pas étranger à l'exercice de hautes responsabilités et reste un noble mobile.
    - Alors on fait quoi ? 
    Le président semblait un jeune premier s'interrogeant fébrilement sur la première impression faite à une donzelle indifférente.
    - Il ne vaut mieux pas.

    Madame Edikken savait à merveille distiller, outre les indices  d'un tempérament fougueux que son charme naturel drapait d'un soupçon de noblesse, cette fermeté qui congédie toute opposition.
    Le message fut donc transmis sans délai à Freeman:
     

    - Un visio de l' "UBU" n'est pas prioritaire commandant, Von Leppzine ne recevra pour toute information que l'absence d'un contact avéré.
    - Et maintenant , Monsieur le président? 
     

    Edikken , l'espace d'un instant empli du fol espoir de lever enfin le voile sur une entité présentable, c'est-à-dire à dire absolument exotique et ne ressemblant à rien de connu, ne put retenir, une fois cet espoir instantanément désintégré, ces mots qui lui échappaient:
     

    -Tapez dans vos mains commandant !
    Le cosmonaute s'exécuta, non par réflexe conditionné d'obéissance aveugle, mais pour répondre aussi par un applaudissement de dépit à cette boutade interplanétaire à portée limitée.
    l' "UBU" se volatilisa comme elle était venue, quand bien même la conviction du commandant manifestement feinte, aurait pu au contraire générer une réplique.
     

    Certains experts du "COUCOU" préconisaient d'ailleurs à tous les navigateurs de proscrire certains signes, certains gestes, dont le claquement des mains, dans la perspective du premier contact.

    Von Leppzine considéra avec méfiance le visio panoramique que Freeman lui offrait à présent de la cavité cristalline dans laquelle s'écoulait un liquide fluorescent, nimbé d'une brume bleutée.
     

    Au retour de la mission "Michel-Ange", découvreuse de molécules nouvelles probablement dotées de certaines vertus curatives pour les cellules hépatiques ( véritable miracle pour foie déclinant), sur une planète hélas faible d'atmosphère, l' « UBU » fut reléguée au rang de simple illusion.
    Des interférences dans les périphériques de lumière pouvaient altérer la restitution photonique des visio, c'était scientifiquement démontré.

    Ramirez, le navigateur de la mission, s'enferma dans un mutisme duquel il ne sortait qu'occasionnellement, encouragé en cela par un alcool libérateur.
    - Je suis ta mère...je suis ta mère, répétait-il des sanglots dans la voix, puis il s'éteignait subitement.
    Le décès de sa propre génitrice peu après le retour des étoiles constituait probablement, au delà d'une improbable crise d'identité, l'une des sources de cette chute en eaux troubles.

    Grand amateur d'antiquités "cinématographiques", Freeman se laissa quant à lui porter par une œuvre austère , le temps d'un repos salvateur avant un nouvel envol dans le vide interstellaire.
     

    Les images en noir et blanc qui restituent si bien l'essence des êtres, contribuèrent à l'apaisement de sa mélancolie.
     

    Aux antipodes de l' "UBU", le beau visage attristé d'une adolescente faisait pourtant  écho aux contours du contact perdu.
     

    Aucun lien ne semblait unir l'entité lovée au coeur d'une planète si lointaine que la rejoindre reste un interminable vertige, et cette jeune fille, mère par la médiation du Mystère, d'un enfant-Dieu.

    Qu'elle soit de nature organique ou vraiment transcendante, cette apparition révélait à Freeman une évidence: la présence de l' "Autre" dans l'infini cosmos.
     

     

    Il se prit à rêver que de la prochaine "UBU", il serait le roi.
     
     
     
     
     
     


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  • Le gorille aux éclats 

    de la fuite d'un  zèbre hors d'Egypte 

    Le perroquet-roc de Memphis tape 

    dans l'oeil émeraude d'un tigre du Bengale en feu 

     

    Quel tableau!

     

    Le mur de la jungle

     

    Le mur de la jungle

     

    Le mur de la jungle

     

    Le mur de la jungle

     

    Gorille du Mékong rêve de monter un Empire

    Zèbre rayé de la liste, de rassembler son tribut

    Perroquet au chant de coton, se déchaîne dans l'espoir d'accueillir en fleur, un répétiteur

    Tigre à l'étage mâle, rugit quant à lui sa prière de ne plus réveiller la reine de coeur

     

    Plus de frontières!

     

    Quand la raison fait le mur de perlimpinpin, les briques rouges passent d'Est en Ouest

    Le sot douanier roux s'emmêle les pinceaux

    serpentant charmeur sous la lune pâlotte

     

    Quelle palette!

     

    Ainsi va le safari-photons , murs de ma cité

    ô carnaval des âmes-minotes 

    Le mur de la jungle

    Le mur de la jungle

    Le mur de la jungle

     

     


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  • Un  fossé profond et sombre, qui de jour en jour ne cesse de se creuser, c'est ce que nous partageons désormais.

    Des remparts dressés toujours plus haut, ce que nous construisons frénétiquement, à en écorcher les nuages aux portes du ciel.

     Quant aux oubliettes à rancoeur, nous les ouvrons bien trop souvent les lendemains du dernier mot de trop.  

     

    Les fenêtres meurtrières de notre chambre s'ouvrent à présent sur une bise glacée.

    Elle pique les yeux à les faire s'embuer.

    Et du fond du jardin flétri par l'hiver, la cohorte d'illusions  donne un assaut silencieux aux rêves ultimes de châteaux en Espagne.

     

    Quelle flèche assassine finira-t-elle par achever le triste ouvrage ?

     

    Au lieu de t'offrir ma fin glorieuse qui défierait la mort elle-même, je ne suis que le triste Cid désarçonné d'une reconquête perdue.

    Chimène inconsolable , au héros redevenu mortel d'ennui, tu crois le pardon impossible.

    Mais nous l'avons pourtant bâtie, cette fière citadelle qui clame la lumière éblouissante du soleil de Burgos !

    Ne raconte-t-elle pas la geste de fougueux amants ?

     

    Nous les avons de bonne foi élevés vers des hauteurs sans limite, ces châteaux en Espagne! 

     

    De tout notre cœur, édifiés à mains perdues, bâtisseurs au corps meurtris et nus, frissonnant sur une pierre de gisant.

     

    Beaux mais sans âme, ces forteresses font de nous des seigneurs solitaires, dans un royaume d'ombres et de regrets

     

    Chacun de notre côté, hélas.

     

    Un foulard flamboyant noué autour du cou, c'est le parfum de ta peau que je veux retrouver pour être encore ton champion!

    Au pied du donjon, j'attends que d'un sourire complice, tu jettes au vent l'étoffe de soie.

    Etendard de notre espoir retrouvé, elle flottera au delà des remparts, du fossé, se laissant caresser puis étreindre comme au temps de l'amour impatient.

    Notre dernier mot ne sera pas un mot d'adieu.

     

    Le pont-levis s'abaissera à mon retour pour se refermer sur notre éternité à nouveau conquise. 

     

     

    La Reconquista


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  • Le triomphe des insoumis


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  • Cette rose-là, cueillie au vol dans le port de Honfleur, m'inspirait depuis longtemps des envies d'écriture aux accents sudistes.

    La rose au miroir

    Il me brûlait de les incarner en des évocations moites, incandescentes et passionnées, tout autant emporté par le vent de la poésie que par le souvenir de légendes saupoudrées sur un boulevard d'étoiles. 

    Mais au lieu d'une envolée de feu, de sang, de sourires séducteurs, de regards embrasés au milieu du tumulte, cette rebelle-là me refusa l'ivresse d'une ode à l'étreinte proscrite.

     Quand j'ouvris à nouveau les yeux, décidé pourtant à  lever l'ancre au gré de quelques lignes d'écriture dédiées à ma prochaine odyssée , je restai à quai comme un marin débarqué de son clipper.

     Le parfum entêtant du lys se dissipa dans les derniers accords mélancoliques d'un bal crépusculaire aux quadrilles surannés...

     

    « Un désir fugitif est-il un désir vain ? »

    Parfois, il y a des mots venus de nulle part, mots d’humeur ou mots d’humour qui, sans être bleus, s’imposent comme une évidence.

    J’ai tout de suite envie de les triturer, les presser afin d’en extraire  je ne sais quelle essence ou révélation.

    Telle une huile sacrée dont on peut oindre son âme et son front.

    Marqué d’un signe venu des tréfonds baptismaux de mon être, plongé dans ces eaux qui troublent mes certitudes, je m'interroge.

    « Le fugitif est-il vain de son désir ? »

    « Le désir, en vain, désire-t-il  le fugitif ? »

    Heureusement, je n'obtiens en guise de réponse que la bénédiction des questionnements à venir.

    Et puis de nouveau un murmure, un nouveau murmure.

    « Il n’y a que l’hymne au présent qui vaille »

    Allez savoir pourquoi, je sens que cet hymne-là va me faire chanter si je ne lui donne pas un avenir.

    Des verbes et du temps qui  écrivent une autre page de mon histoire, Pythie de mes fêlures secrètes.

    Au cap ultime du voyage , j'espère encore entendre cette voix inspiratrice de tous mes mots, ma compagne de toujours. 

    Notre secret hyménée résiste à toutes les tempêtes.

    Dans le théâtre d’ombres à jamais, ou en pleine lumière,  j'aurai été ma vie durant un simple saltimbanque sur scène, émerveillé par la saveur amère ou  sucrée des chants de l'amour et du hasard.

    Un éternel fugitif au fond, le vagabond aux mots errants qui ne les trouvent pas ce jour, même pour une rebelle mélancolique, pâle et hautaine.

    Une rose de Savannah...  

     

    La rose de Savannah

     

     


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