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Par Gatsby. le 14 Octobre 2018 à 18:28
Décollage imminent.
La tension a figé les regards dans la salle de contrôle.
De l'interminable labyrinthe jusqu'au pas de tir, ces regards ont évité le mien.
Les officiants silencieux m'ont conduit sur l'air de lancement.
C'est écrit, jamais je ne saurai pourquoi les bras d'une magicienne de soie et d'ébène, m'ont invité aux délices des marges obscures de la ville.
New York où l'on se perd, où l'on aime, où l'on aime à se perdre, que j'avais fini par quitter.
Quartiers délabrés, espoirs fissurés, quotidien au goût d'injustice , ou simplement ma destinée ?
Après l'ivresse, vient le douloureux réveil par le tranchant d'une lame souillée, le vacarme et l'odeur de la poudre, le hurlement des sirènes qui vous jettent finalement au cachot.
La seule cité ouverte à mon errance fut celle d'Eldorado, de l'argent facile qui met en dette avec le diable.
A la vie, à la mort.
Mon authentique plaisir siégeait au plus haut des cieux, là où notre Père nous avait pourtant abandonnés, en dépit des cantiques chantés chaque dimanche avec foi, amour inconditionnel teinté d'amertume.
Le prix à payer pour un futur sans avenir, c'est bien la corruption des meilleures intentions.
J'aimais contempler sans autre raison qu'un bonheur indicible, la maîtresse des nuits, rêver à ce don de lumière entre deux mauvais coups.
L'exploration spatiale, l'épopée de gens ordinaires devenus des chevaliers et parés de toutes les vertus me fascinait.
C'était comme l'ivresse qui me permettait de garder un cap illusoire, alors même que mon vaisseau naviguait dans un vide spécial fait d'obscurité glaciale.
J'étais semble-t-il doté d'un esprit curieux, d'une intelligence inversement proportionnelle à mon espérance de vie.
Elle me fut utile pour survivre.
Jusqu'au chant des sirènes, j'avais gardé au fond une âme d'enfant malmené.
Au plus fort du blizzard, à Noël dans nos rues illuminées, je croyais chaque année que tout pouvait encore changer, malgré les morsures du froid.
Sacré Santa Claus!
Et tout finit par changer, puisque tout est inscrit dans le temps.
Depuis que j'étais promis à l'envol, un jour prochain , je dévorais tel un affamé mes ouvrages anciens, mes manuels du candidat au décollage.
De la terre à la lune, ces livres me préparaient au voyage maintes fois imaginé vers l'autre rive.
Mon odyssée d'homme, enfin libre!
Je lus et relus aussi "Polaris", nouvelle si étrangement familière de mon auteur favori, H.P.Lovecraft, peintre du sombre, un autre maudit qui savait si bien déchirer le voile des ténèbres
M'abandonner dans la magie inquiétante de ses royaumes mythologiques et féroces faisait de moi son disciple noir le plus dévoué.
Un premier pas dans l'au-delà.
Comme lui, je regardais avec nostalgie les étoiles depuis la fenêtre d'une chambre, les dames de compagnie de ma favorite.
La dernière nuit fut celle de l'attente presque lasse d'une ombre chargée par les tout-puissants de me dire que le moment était venu.
Et le temps du voyage s'accomplit.
Sanglé solidement, prêt à encaisser les rugissements de l'enfer.
J'avais quitté le monde d'en bas et mon récit pouvait commencer.
"Allongé au fond du vaisseau Franck ne respire plus.
Son visage noirci ne porte aucun signe de souffrance .
Il ressemble à ces mineurs au repos des temps anciens.
Je suis donc seul.
Seul dans les entrailles du frêle module d'exploration.
Toute communication avec la base est rendu impossible depuis « l'incident ».
Voyants lumineux et interrupteurs pullulent pourtant dans ce refuge aux parois ridiculement minces.
Mais ils se sont tus.
Un univers létal, aux mains d'étrangleur sévit derrière les remparts de notre véhicule spatial, guère plus épais qu'un carton d'emballage
Sur ce sol grisâtre, je suis plus que jamais seul, étranger sans terre d'accueil.
Prisonnier d'une désolation qui n'a rien de splendide, que le plus beau des versets de la Genèse ne parviendrait pas à magnifier, je côtoie au plus près une vallée de la mort.
J'ai même cru deviner le passage d'une ombre au travers du hublot triangulaire.
Deux coups viennent de résonner sur la porte du sas.
Le temps est donc vraiment venu!
Mis en demeure de faire l'hospitalité à cet autre sans visage, je fixe l'écoutille rendue au silence.
Elle n'est qu'une simple porte, rien qu'une ouverture assujettie à ma volonté!
Et je me surprends à devoir lui résister.
Mon voyage est de toute façon sans retour.
Je franchis la porte de mon sanctuaire puisque je serai le premier, le précurseur, j'aurai ouvert une nouvelle voie.
Sur le sol blanc-gris dont l'humidité souille mes bottes d'une suie collante, je le vois prés du drapeau.
Tout léger, volant presque au-dessus de cette cendre familière je le rejoins.
Je pose ma main sur son épaule et l'autre conquérant que je n'avais pas encore deviné dans la pénombre du module, nous photographie.
La pleine Terre en majesté flotte sur un horizon étoilé, posée sur des collines en pente douce.
Mon coeur s'emballe et je suis heureux comme jamais.
Je souffre pourtant d'une douleur inconnue.
Dans les moindres recoins du corps, j'ai mal.
Mon héros, l'astronaute du drapeau à l'Aigle conquérant, arrache subitement mon casque.
Un éblouissant néant devient le monde.
La lumière, le module, les cratères, les voix connues et inconnues qui pleurent, qui m'aiment, qui me renient, tant de regards jusqu'à celui de ma mère, je deviens tout cela.
Il n'y a plus d'avant.
Il n'y a plus d'après.
Je suis encore dans le couloir qui m'a aspiré vers les ténèbres au sortir de ma chambre.
Entravé, sanglé comme un animal dangereux, injecté dans un espace inconnu à la vitesse de la lumière!
Au-delà même!
Je suis avalé, et présent cependant dans chaque particule de tous les univers, changé en ombre définitive et absolue .
Plus rien mais partout à la fois! "...
La veille le gouverneur avait dit "non".
Il fallait que la bête meure.
J'ai assisté avec les officiels, les familles otages d'une colère éternelle, j'ai assisté au départ sans fracas mais dans un silence effrayant de celui que j'avais tenté d'accompagner.
"Tenez Franck, il a laissé ça pour vous" m'avait confié un peu à l'écart le directeur de l'établissement, juste après l'exécution.
L'ouvrage à la couverture glacée et sombre avait dû être lu et relu.
Les pages écornées s'élevaient inexorablement vers le haut.
"Premiers sur la lune", une édition de 1970.
Je découvris sans réelle surprise une dédicace-testament :
"premier Afro-Américain sur la lune.
J'ai eu tout le temps de m'y préparer "
Des comptes à rebours muets attendent donc toujours leur heure pour des décollages qui ne servent décidément à rien...
Je me demandais de quoi ou par qui son esprit pouvait être peuplé à l'instant du trépas.
L'injection fatale s'était probablement insinuée comme un glaive liquide dans les veines.
Elle avait dû trancher tous ses derniers vrais rêves pour le plonger dans un état de néant.
Un corps sans vie et sans rêve, voilà ce qui reste du supplicié?
Oui, c'est certain.
Quel songe peut bien habiter de toute façon l'âme errante d'un homme trépassé dans le couloir des ombres, celui de la dernière frontière?
Au matin naissant, une jolie lune porcelaine partiellement consumée par un liseré d'ombre, aimantait mon regard alors que je regagnais le parking de la prison.
A la pensée absurde qui affleura la bordure de ma raison, je donnais l'ordre de prendre congé, de disparaître sur-le-champ!
Mes illusions aussi avaient vécu.
Comme ces mers imaginaires sans tempête, qui sur l'astre des nuits, n'accueilleront jamais personne, moins encore l'âme grise d'un damné.
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Par Gatsby. le 28 Septembre 2018 à 17:50
Ce qui est bien avec les voyages, c’est évidemment que l’on voyage.
J’espérais, je rêvais de voir des indiens, et mes souhaits furent exaucés au-delà même de mes espérances !
Que n’aurais-je donné pour pénétrer l’esprit de ce saint homme qui à l’ombre de la sollicitude de ses fidèles, contemplait tout comme moi une incommensurable beauté, œuvre inégalable de la nature et du temps.
Ces saintes pensées lui permettaient-elles de dépasser le stade de mon émerveillement béat qui convoque les superlatifs convenus, pour s’élever au contraire vers des sommets ?
Connaissait-il de ces inspirations qui empruntent les chemins lumineux de la compréhension de notre mystérieuse existence ?
Je ne le saurai jamais .
C’est cela le charme des voyages, l’indien garde toujours de son étrangeté et reste inaccessible au fond !
Est-ce pour conjurer cette sorte de vertige que procure ce que le regard peine à circonscrire que le voyageur se tourne vers le quasi infiniment petit, l’insignifiante bestiole qui parade malicieusement, et qu’il y trouve subitement un nouveau sujet d’étonnement ?
Alors que dans son dos, la splendeur géologique impose sa majesté de millions d’années ,le touriste abasourdi découvre face à lui la magie toute simple de l’écureuil .
Les visages s’illuminent à la vue de cette autre merveille !Magie du voyage…. Qui en appelle d’autres.
Je vois dans ces images toute une portée allégorique qui, pourquoi pas , pourrait concerner, du professionnel rigoureux, au scrutateur fiévreux, les terriens avides de tout connaître des choses du ciel, de notre univers en représentations parfois scintillantes.
Le candide interroge du regard le sage détenteur du savoir, ne comprenant que la surface de ce qu'il voit, animé par ce trouble diffus de ne pouvoir expliquer qu'une portion visible de la réalité donnée à voir.
Il est des théories tellement complexes , qu'elles confinent à l'ésotérisme pour le commun des mortels.
L'ignorance est une souffrance, autant qu'un aiguillon.
Où se loge donc la Relativité dans ce mouvement des étoiles et des astres errants ?
Pourquoi ce que je vois, n'est pas ou plus ce qui est ?
Es-tu , Ô Grand savant, encore capable d'éblouissements, même trivialement exprimés, à la contemplation du plus simple des spectacles nocturnes ?
Et puis, l'amour de l'infini cosmos ne doit-il pas provoquer en chacun d'entre nous le désir encore plus fort de considérer, au ras des pâquerettes, cette vie qui a surmonté des maelstroms d'incertitudes, de dangers mortels, pour se frayer un chemin jusqu'à ce jour.
Ce jour béni, forcément, parce que gagné sur le néant, où le sage côtoie le candide et l'écureuil en une "relative" harmonie.
Magie du voyage…. Qui en appelle d’autres.
Ce qui est bien avec les voyages, c’est évidemment que l’on voyage.
Magie du voyage…. Qui en appelle d’autres.
Aucun astronome ne me démentira!
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Par Gatsby. le 28 Août 2018 à 19:20
Avec le programme Apollo, les petites phrases ont été largement relayées, les petits gestes scrutés, dans ce qu'il est convenu de considérer comme: "une brève conquête à histoires".
La sémantique aura eu autant d'importance que l'astronautique dans cette épopée humaine et technologique
Mais au fond, quel message fondamental portent ces hommes aux vaisseaux faits de matériaux innovants, et au caractère trempé dans l'acier ?
Je ne crois pas sincèrement qu'ils aient cru un seul instant sur la lune, constituer l'avant-garde de la nouvelle frontière de demain
Un premier coup d'oeil aura presque suffi !
« Notre planète est d'une désolante magnificence, pour nous autres, les Terriens »
C'est ce que je dirais si j'étais chargé de porter un message à l'adresse des Sélénites
Nous rêverions de disposer d'une telle splendeur jusqu'à la consommation des temps, malgré l'implacable finitude inscrite dans notre histoire
Nous ne sommes pas à la hauteur d'une telle merveille , royaume de perfections.
C'est même tout le contraire !
Il est parfois dans la nature humaine de balafrer les visages trop beaux.
Autant de sources d'un dépit qui nous laisse une éternité de regrets
« Magnifique désolation »
La conviction intime des astronautes découvrant les panoramas lunaires est forte déjà que nous n'avons pas d'avenir sur ce sol stérile, couleur plâtre sale.
Quand bien même ils se gardent de livrer le secret de leur coeur!
Ils savent pourtant le faire en certaines occasions , tous les amateurs d'Apollo gardent en mémoire "un Cernan" bondissant et chantant, au dessus de la grise vallée de Taurus-Littrow, là-haut.
Les héros à étoffe de poètes , peuvent donc se permettre une élégance d'oxymore, en faible gravité..."Magnifique désolation"...
Tels des touristes s'émerveillant d'une exotique misère, magnifiée par le sourire morveux et le regard étrange d'un gosse qui pose, sur fond de vestiges prestigieux d'un temps révolu.
C'est photogénique, générateur d'un trouble fulgurant, mais ça n'est qu'un monde figé d'où rien ne peut se créer, sinon qu'un océan de tempêtes et de désillusions
C'est probablement désolant pour les amoureux éconduits d'une conquête morte dans l'oeuf, mais Dieu que ce fut magnifique !
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Par Gatsby. le 25 Mai 2018 à 11:37
Cette photo raconte d'abord une histoire.
Elle témoigne de la ferveur encore intacte d'une communauté minoritaire, littéralement encerclée dans une cité martyre.
La chorale continue à porter au ciel des paroles de paix, contre vents et marées.
Et cette belle jeune femme semble être la figure de proue d'une embarcation prise dans la tourmente qui s'apaise à peine.
Vagues d'actes criminels et flots de sang alimentent encore un fleuve dans lequel il semble insensé de croire , en cette ancestrale cité, qu'un baptême pourra apaiser les douleurs ou entrouvrir le chemin du pardon.
Des paroles chantées dans l'enceinte consacrée d'une église, c'est le risque de mourir d'amour, non pas dans une belle consumation mystique, mais sous les balles et le feu des légions d'anges de la mort en service commandé.J'admire cette assemblée d'hommes et de femmes, pas simplement en tant que chrétien.
D'autres croyants d'une religion prise en otage par des imposteurs sont sacrifiés tout autant sinon plus, dans l'outrage fait à l'humanité par le cynisme d'Etat.Cette assemblée est la somme d'un courage qui parfois me fait défaut.
Je ne sais jusqu'à quel point « nécessité fait loi », si l'outrance d'une injustice, la sidération provoquée par le massacre d'innocents, fait offrir sans peur son corps aux épées des bourreaux .
Que peut-il arriver de pire quand le pire est déjà passé ?
La foi deviendrait-elle dans cet enfer la condition même de la survie ?
Qu'il me soit épargné d'avoir à éprouver la force de mes convictions intimes, de quitter mon « paradis » qui ne laisse filtrer de l'oeuvre de la mort venue d'Orient, que des échos, ou bien se rappelle à moi dans la terreur semée épisodiquement par des zombies au pied même de nos plus beaux quartiers.Cette photo raconte cette histoire de désespoir et d'espoir, certains que je connais parleront d'espérance.
L'absurdité la plus totale peut côtoyer le sublime.
Des édifices qui tutoyaient les « hauteurs » sont réduits à l'état de cendres , avec ceux qui croyaient au ciel.La Madone d'Alep a les traits gracieux et mystérieux d'une icône , celui d'une mère qui a peur pour son enfant, d'une fiancée qui rêve de retrouver l'élu de son cœur dans une communion des corps, qui au-delà du quotidien invivable imagine qu'un futur pourra encore s'écrire.
Osciller entre le plus noir des désespoirs, le besoin de reconstruire , éprouver la joie douloureuse du désir, être simplement avec les autres, découvrir tout ce qui reste encore à comprendre...
N'est-ce pas le visage même de l'humanité ?
Celui de la Madone d'Alep.
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Ironie de l'histoire.
Il y' a 47 ans, trois types particulièrement téméraires qui avaient décollé pour une nouvelle frontière, dans l'indifférence générale, ont réveillé le monde d'en bas, un monde blasé et repu d'exploits, d'un célèbre « Allo Houston, on a un problème » .
Ils durent en partie leur survie après un périple aller-retour de la terre à la lune, au module lunaire « Aquarius » où ils trouvèrent l'air et le souffle nécessaire pour regagner la mer promise, avant la terre ferme.
Tout cela en une très longue semaine.
Les 629 « migrants » , des naufragés involontaires qui se sont entassés dans l' »Aquarius » ont échoué à 50 kilomètres d'une côte au début de leur périple douloureux. Une distance manifestement abyssale qui sert de valeur étalon au malaise que connaissent les grands timoniers du monde, puisque ce port de la chance leur a été refusé.
Que sont 600 000 kilomètres en comparaison de ces 50 kilomètres ?
Echangerait-on un vaisseau en perdition mais glorieux et chargé d'Histoire, contre une embarcation qui est seulement un paquet de misère chargé d'emmerdements ?
C'est que, pour ceux qui l'auraient oublié, de 1971 à 2018 le monde a changé.
Il faut cependant toujours une bonne semaine pour ramener des naufragés à bon port.
A la réflexion, il n'y a pas d'ironie de l'histoire, je crois qu'il s'agit surtout d'une histoire de cynisme et d'inertie.
Je ne jette la pierre à personne, surtout pas aux pays « frontaliers » qui écopent comme ils le peuvent, cette misère tenue encore à suffisamment à distance pour nous émouvoir, juste un peu.
Il est admis maintenant qu'une action internationale concertée, comportant des engagements réels et sérieux sur ces mouvements de population qui vont s'amplifier ( et non s'éteindre comme le programme Apollo!) doit impérativement se mettre en place, là, maintenant.
"A l'eau, loin de tout, sans horizon", on a vraiment un problème !" pourrait-on dire...
Le défi est immense, j'ai l'impression que la nouvelle frontière à présent, c'est un monde à partager.
Partager, ça n'enchante personne, pas plus moi que les autres.